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Steve Litsios donne vie à la sculpture grâce aux effets lumineux de sa peinture

Américain, né en 1959 à Arlington dans le Massachusetts, mais installé à la Chaux-de-Fonds, Steve Litsios a gardé le goût de ses compatriotes pour les défis. En cherchant à concilier peinture et sculpture. Ce qu’il a fait parfois en se jetant dans des constructions baroques et polychromes. Mais depuis quelques années, judicieusement, il a élagué les paramètres de son travail.

Il n’utilise quasiment plus que le monochrome et des formes simples. Offrant, d’une part, à la lumière de reprendre son rôle naturel de coloriste. Laissant, d’autre part, le matériau inspirer la forme. Telles ces feuilles de papier suspendues dans l’espace, à peines marquées d’un pli. A peine peintes aussi, ou plutôt juste teintées de pigments interférents sur leur face convexe, renflée par le pli. Installées en deux rangées, elles ondulent en deux vagues (Light Waves, 2000) à quelque distance d’un long mur du Musée des beaux-arts de la Chaux-de-Fonds. Tandis qu’elles virevoltent par groupes de deux à sept (Conversations, 2000), dans la première salle de la galerie Art-Cité.

La coloration nacrée des pigments interférents, dont la propriété est de diffracter la lumière, donne à ces feuilles tantôt une nuance rosée, tantôt bleutée. Ces effets de moirage, ces impressions changeantes ont quelque chose de précieux dans leur aspect diapré mais accompagnent subtilement les déplacements du spectateur, ou varient en fonction de la force ou de l’angle d’incidence de l’éclairage. Avec pour conséquence de faire frissonner ces pièces. Lesquelles avance, reculent, s’estompent ou prennent relief, selon la lumière.

Presque transparentes, les colorations se fondent dans le support, se marient à sa texture, et leur donnent une profondeur incroyable. Des qualités que Litsios a su également conférer et transposer dans ses tableaux en relief, comme dans ses petits travaux sur papier ou dans ses sculptures en bronze. De sorte que l’une d’entre elles (In Tensions, 2000), allongée à l’horizontal comme une colonne vertébrale, donne l’impression de vouloir se redresser, tandis qu’une autre, suspendue (Hang, 2000), semble s’étirer avec souplesse au bout de son filin. Au point qu’elles en deviennent vivantes.

Philippe Mathonnet
Critique d’art
Le Temps, 16 octobre 2000